23 Fév 2013
Résidence
En résidence dans les écoles élémentaires Belliard (Paris 18) et Pierre Girard (Paris 19) – Reg’Art de Paris
Il s’agit d’une expérience unique en son genre que l’association Reg’art de Paris est la première à initier en France.
Après une première expérience réussie qui a permis en 2012 à l’artiste français Claude Lévêque d’installer son laboratoire d’idées dans une école élémentaire de la Goutte d’Or à Paris, l’association propose cette année à Laure Tixier de s’installer dans deux établissements parisiens près desquels elle a résidé.
It’s a unique experience that the association Reg’Art de Paris is the first to introduce in France.
After a first successful experience led in 2012 to the French artist Claude Lévêque that install he’s laboratory of ideas in an elementary school in the Goutte d’Or in Paris, the association offers this year Laure Tixier s’ installed at two sites near Paris where she resided.
1 Juil 2013
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Veduta
Veduta, Laumière, Paris 19e
Résidence Reg’Art de Paris
119 rue de Crimée 75019 et 11 passage Saint-Jules 75018 sont deux adresses auxquelles j’ai vécu et je vis à Paris.
A la suite de la résidence de Claude Lévêque à l’école Budin en 2012, l’association Reg’Art de Paris m’a invité en résidence dans une école élémentaire parisienne, j’ai proposé l’école de mon quartier (l’école Belliard) et par le plus grand des hasards, l’association m’a proposé en même temps l’école de mon ancien quartier (l’école Pierre Girard). Le projet a tenu compte de cette coïncidence pour cette double résidence dans les 18e et 19e arrondissements.
Veduta est le titre des expositions et des œuvres produites dans le cadre de cette résidence. Veduta, c’est le regard des artistes qui se tourne vers l’urbain, un genre pictural dans lequel la ville devient le sujet à part entière des peintres vénitiens au XVIIIème siècle.
Notre regard, celui des enfants et le mien, s’est concentré sur les deux quartiers pour en réaliser deux sculptures maquettes.
Veduta, Moskova, Paris 18e
Pour commencer, nous nous sommes basés sur un plan dessiné des deux arrondissements. Chacun des enfants a repéré son immeuble sur le plan du quartier et cela nous a permis de délimiter notre champ de travail. Je souhaitais donner à ce projet une approche affective, sensorielle et tactile du territoire, puisque ces deux quartiers restent les miens et sont ceux des enfants, et que nous avons d’eux une connaissance intime et sentimentale.
J’ai imaginé ces deux maquettes de quartier en tant qu’espaces transitionnels, tels que l’a définit le pédiatre, psychiatre et psychanalyste anglais Donald Woods Winnicott : un sas entre soi et la réalité pour chacun des participants, moi y-compris, une aire de repos et de questionnement.
La forme du doudou, de l’objet transitionnel, était donc évidente. Quasiment un objet magique, il est pour beaucoup de très jeunes enfants le premier objet qui occupe cet espace transitionnel. Construction rassurante pour accepter la séparation progressive d’avec la mère, il permet de retrouver la sécurité et la familiarité du connu pour mieux affronter l’inconnu.
Les deux maquettes sont des objets transitionnels dans leur individualité (immeuble-doudou de chaque enfant) et dans leur globalité (le quartier unifié par le tapis-plan).
Ce projet propose un double va-et-vient permanent, une sorte de continuum entre soi et la réalité et entre l’individu et la collectivité.
Les enfants ayant vécu l’expérience de la construction de cette maquette garderont, je l’espère, une image intime et rassurante de leur quartier. Peut-être pourront-ils transposer cette construction mentale vers tous les quartiers dans lesquels ils vivront? J’aimerais surtout que l’image qu’ils ont conçue de celui-ci, leur permette d’être infiniment curieux du reste du monde.
L’utilisation de tissus très divers pour réaliser les immeubles et le plan tapis a très vite donné l’image d’un patchwork, à l’image de ces deux quartiers présentant une grande mixité sociale et des origines.
Le Quilt Art (Patchwork en français) est une technique du souvenir. Les européens migrant en Amérique du Nord, gardaient et reformulaient jusqu’à disparition complète les bouts de tissus (vêtements, linge) ramenés d’Europe. C’était, au-delà d’une économie de moyen, une manière pour eux de garder la mémoire de l’Europe, la préserver par petit bout, la reconstruire, la restructurer indéfiniment par les différents motifs d’assemblage.
L’analogie du patchwork avec la diversité des parcours des familles des enfants des deux quartier est évidente, mais l’analogie avec la ville elle-même opère aussi.
Il est aisé de penser la ville comme un collage, une assemblage de couches successives, réalisant sa propre archéologie, se dotant de sa mémoire au fur et à mesure de sa construction. Paris est un palimpseste à multiple couches de sédimentation.
Voir la ville comme un ouvrage toujours en chantier, sans cesse rapiécé, reprisé, mouvant, réinventé.
Le pari de la maquette était de tenter de faire de ces couches de sédimentation liées à l’histoire du quartier et aux multiples trajectoires de ses habitants, au-delà des chocs et des heurts visuels de chaque univers, un ensemble organique d’une surprenante beauté.
Déroulé du projet :
La construction très technique aura demandé aux enfants beaucoup de concentration et de motivation. Ils s’y sont investit avec un sérieux et une application incroyable :
-repérage sur les deux plans de quartier de leur immeuble.
– à partir de l’empreinte au sol de l’immeuble sur le plan, construction d’une maquette de l’immeuble en papier et scotch.
Pour le passage de la 2D à la 3D, du plan à l’élévation, ils ont dû faire un important effort de vision dans l’espace. Ils ont mis en action les notions déjà vues à l’école de géométrie à plat puis de construction en volume.
Sans oublier, des gestes simples comme tracer, découper, assembler mais aussi s’organiser, faire des repérages, numéroter, bien tout ranger…
-les enfants ont choisi les différents tissus qu’ils souhaitaient assembler, ils les ont touchés, ils ont choisi les différentes matières (velours, cotons, lainages…), les différentes couleurs, les différentes origines (tissus africains, japonais, chinois, créoles…), différents motifs (liberty, unis, écossais…). Leur choix est surtout intuitif mais j’ai attiré leur attention sur l’idée de composition en leur montrant à partir des œuvres de la période marocaine de Matisse, que le fait d’assembler des tissus différents pouvait constituer un geste de peintre.
-à partir du patron en papier, les enfants ont tracé puis découpé le tissu.
-l’étape de couture a nécessité d’apprendre à faire un nœud pour démarrer, un nœud pour finir, un point de couture, d’assembler les bons morceaux, dans le bon sens (envers/endroit).
Point très positif et crucial pour moi, les garçons ne se sont même pas posé la question du genre de cette activité. Aucune réticence, n’a été émise. Juste la peur de ne pas y arriver pour certains enfants.
-Rembourrage et fin de couture, soulagement, satisfaction d’avoir réussi son immeuble-doudou.
-dernière étape, de l’individu au collective :
chaque enfant vient poser son immeuble (œuvre individuelle) sur le tapis plan du quartier et ainsi achever l’œuvre collective.
Les enfants des deux classes font ensuite la médiation de l’exposition.